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asss est un projet auto-initié par Raphaëlle Serres, qui voit le jour depuis une invitation des membres de spasss, en collaboration avec Éleonore Bonello qui assure la coordination avec le lieu et tous les membres. Ayant lieu tous les second mercredis de chaque mois, asss propose un évènement en collaboration avec un·e ou des artiste·auteur·ice·chercheur·euse·s qui disposent de toute la liberté de leurs propositions. asss porte l'intuition que même tout ce qui est de plus éphémère laisse sa trace—et cette dent creuse, la page blanche que tente de feindre un espace ‘d'exposition’, appelle avant tout un moment pour se réunir, s'inventer et partager l'histoire dont témoignent les auteur·ices invité·ex, par l'expérience qu'iels partagent du lieu. L'invitation est un outil puissant du projet, là où l'espace tend à se transformer en unité de distinction de privilèges: celui de pouvoir disposer du temps, des moyens matériels et de la joie de faire. Partager ce privilège devient ici un des enjeux de ces moments.

Le rôle de Raphaëlle fait ici moins écho aux choix du sens qu’aux attitudes qui en permettront la fine compréhension. Cette attitude s’apparente à une économie du don, que le rôle de maîtresse de maison incarne tout à fait: assigné au genre féminin en raison de sa propension à l’écoute, à la disponibilité et au care, cette figure illustre les expertises dévouées et multiples de celleux qui accueillent. Cette posture puissante et tentaculaire permet également d'articuler des questionnements esthétiques, philosophiques, politiques et poétiques, dans une conversation collective spontanée.  

12.FEB.2025Matthieu Michaut

19:00

08.JAN.2025Naomi Gilon
RÊVER D’OMBRE
ET DE LUMIÈRE

19:00

Long story short: depuis les carcasses accidentées, les peintres-carrossièr·es expert·es de tunings en tous genres, et les créatures contre-nature-contre-cultures, Naomi côtoie d'abord les petites mains attachées aux âmes des objets, et questionne ces rebuts dans les glissements de sens qu’induit l’espace qui les expose, une fois ces pratiques décentrées de leurs origines. Son intérêt y est sincère, fasciné et authentique, non seulement pour ce qui se produit esthétiquement, aussi car ces pratiques transcendent le rêve—le respecte jusqu’à lui donner forme dans le réel.
       Les monstres—monstrare—les créatures, âmes qui vivent dans les objets, transparaissent sous ses mains: la bête vrombit toujours sous le capot et l'objet n'est qu'une peau, une mue avant leur éclosion au monde. Aujourd’hui, on retrouve encore tous les arpentages de sa recherche, qui ne cesse de contaminer l’espace au-delà du tangible. Ses figures sont à la lisière du common-collective mass-culture, chimères intimes en gestation perpétuelle dans les corps, s’expriment par les formes que Naomi précise avec une grande acuité. Elles menacent de s’exorciser d'elles-mêmes de nos imaginaires, façon Alien. Nous sommes hôtes malgré nous de créatures dont nous sommes le produit ou le déchet, qui nous hantent autant que nous en ignorons les effets.
       Les mains, motifs récurent dans la pratique de Naomi, ont à leur première occurrence d’abord agit en tant que structures pour d’autres objets, un peu à la manière des pattes d’animaux supportant le poids de meubles bourgeois. Elles semblent être l’incarnation directe des mains dont j’aurais imaginé enfant qu’elles sortent du dessous de mon lit pour attaquer ma jugulaire, et pourtant, aucune représentation ne laissait une trace aussi claire de leur forme avant que Naomi ne leur donne vie—ces mains avaient déjà envahi nos imaginaires collectifs, s’y figuraient en creux, mains elles-mêmes amalgames des divers détails représentés au travers de biens culturels mainstream ou de niche; dont aucune n’est aussi fidèle à nos songes que les mains des créatures de Naomi. Et comme dans les meilleurs films d’épouvantes, les mains suggèrent la créature que nous manquons à dépeindre trop précisément, juste assez subjugué·es pour ne pas lui donner de visage: lui donner vie et risquer de s’y reconnaître.
       Les mains, encore, affirment une réalité tangible de la sculpture: elles vivent. Naomi suggère qu'elles ne mentent pas, qu’elles laissent transparaître les tensions qui les mettent au cœur de la tendresse, du toucher, du torturé, du poids et de la pesanteur, du temps qui passe, de frictions, de poignes, de griffes, le repos des embrassades, les caresses et les gifles, la poigne de fer et la main de velours— porcelaine, céramique, émaux rutilants comme les belles bagnoles.

Et aujourd’hui, c’est la baby shower. Une occasion de s’attarder sur les personnages qui prennent vie sur la porcelaine, qui nous tendent à leur tour le miroir de nos propres contradictions. Le bébé, la porcelaine, la fragilité même et la gestation du monstre ou la création de son innocence ; comme pour les magical girls: la magie opère, devient réelle, elle s’immisce dans le quotidien et porte sur le monde sa version nouvelle. Un genre de puissant LSD.
      Sous l'enchantement des objets, l'invitation aux rêves pour le monde. Une gymnastique d'identification et de résistance, par l'émulation de notre imaginaire collectif au-delà du cérémoniel contemplatif. Pour rêver encore, concrètement, transformer la plateforme qui nous réunit aujourd'hui, déplacer nos carcans sociaux, se reconnaître dans d'autres représentations que les rôles qui nous sont attribués au dehors de celle-ci. S'autoriser à la rencontre de ces figures vivantes, épouser leurs ambivalences.
       Au travers de ces divers personnages, Naomi nous invite à assumer nos ambiguïtés fondamentales, car en elles résident une force vibrante, la démultiplication de nos rêves, et nos raisons d'agir à leurs égards. Ces paradoxes produisent sur nos lèvres le goût incomparable de nos existences singulières, et demandent d'embrasser totalement nos propres vérités contradictoires—
       la vérité de l'ombre
       et de la lumière
       la vérité de ma solitude
       et de ma liaison au monde,
       la vérité de ma liberté
       et de ma servitude,
       la vérité de mon insignifiance
       et de la souveraine importance
       de chaque être vivant
       de tous les êtres vivants
       la vérité de la vie
       et de la mort


a§s

Naomi Gilon, Rêver d'ombre et de lumière, porcelaine papier avec émail transparent, cuisson 1230°C, 14,5 × 26,5 × 20 cm, 2024

Naomi Gilon, Le Pierrot, porcelaine papier avec pigments et émaillage transparent, cuisson 1230°C, cadre en multiplex en Meranti teinté, dimensions de la porcelaine 8,4 × 12,5 cm, avec cadre 21,4 × 25,4 cm, 2024

Naomi Gilon, L'Arlequin Alchimiste, porcelaine papier avec pigments et émaillage transparent, cuisson 1230°C, cadre en multiplex en Meranti teinté, dimensions de la porcelaine 8,4 × 12,5 cm, avec cadre 21,4 × 25,4 cm, 2024

Naomi Gilon, Les Siamois, porcelaine papier avec pigments et émaillage transparent, cuisson 1230°C, cadre en multiplex en Meranti teinté, dimensions de la porcelaine 8,4 × 12,5 cm, avec cadre 21,4 × 25,4 cm, 2024

Naomi Gilon, Le fou visionnaire, porcelaine papier avec pigments et émaillage transparent, cuisson 1230°C, cadre en multiplex en Meranti teinté, dimensions de la porcelaine 8,4 × 12,5 cm, avec cadre 21,4 × 25,4 cm, 2024

Jimmy Gilon, réalisation et façonnage des éléments de scénographie en bois

Un multiple est édité à l'occasion de l'exposition: choisissez parmi les personnages lequel vous représente le mieux d'après les caractéristiques décrites par Naomi, et demandez votre exemplaire de sa carte.

04.DEC.2024ASSS FOR SPASSS
Opening

Group show with
Corey Bartle-Sanderson
Naomi Gilon
Laurie Giraud
Tommy Lecot
Morgane Le Ferec
Raphaël Matieu
Matthieu Michaut
François Patoue
Elias Sanhaji
Raphaëlle Serres
19:00


Tant que le toner est encore chaud. L’opening peut commencer.

Tout d'abord il y a l'adresse—le lieu dans lequel se rendre, tout comme ce qui s'étend vers l'autre. Ici, l'espace qui reçoit. Le rendez-vous. L'heure est donnée. Le temps de rompre avec un quotidien fait de patiences, de routines, d'épargnes, qui vise des plénitudes immobiles et sereines, pour se consacrer un instant aux joies qui s'essoufflent, à ce qui se consomme, se ruer dans la fête et feindre de cesser le mouvement où il arrive toujours quelque chose au monde.
      Odeurs parfumées, bouquet de fleurs fraîches, montre en main, salive aux lèvres, sur le pas de la porte, seuil auprès duquel tout se prépare. L'impatience des vases à trouver leurs fleurs, les présents offerts, pieds sous la table. La frénésie des potentiels, des rencontres inattendues, des amix-d’amix-d’amix, du neuf, et des bougies encore debout. Coin fumeur. Boissons.
      Tommy s'est fait une beauté, décidé à sentir bon. Il partage avec nous brut: « l'essence d'un homme », une promesse d'authenticité, de puissance, sensuelle, intense, de caractère—irrésistible. C'est en déconstruisant ceci (ou cela) qu'une nouvelle forme lui apparaît: celle d'un flacon plus à l'image du gigantisme de l'enjeu, de la prestation à pourvoir d'un tel imaginaire, et d'offrir également l'occasion à chacun·e de s'accommoder de cette impression, de faire l'expérience d'une masculinité tant attendue.
       François apporte les fleurs, à son habitude grandioses, légères sur le coton, les pétales montés en jus cumulés, comme des aquarelles XXL dans lesquelles nous ne manquerons pas de plonger—mais aussi celles, les couleurs toujours—, du vase de Naomi, réalisé en collaboration entre les deux artistes, émaux de la darkside la plus cool. D'autres vases, enrubannés de scotchs ou reliés de toile, dévoilent quelques attentions à l'égard de l'adresse, d'une simplicité ready-made-ready-to-print-ready-to-go que j'affectionne.
    Au coin fumeur·euses, les insolent·es, les dissident·es de la fête, dont la fumée vient attirer l'intimité ailleurs quitte à déplacer les festivités à l'un des endroits les plus inconfortables; de se détourner du cérémonial travaillé de la convivialité pour se réunir autour d'un cendrier froid et débordant. Corey en propose une alternative versatile, the coolest of them all, way above the Brexit, and whose absence hangs over all the guests.
      Cascades non-de champagne mais explosives par Matthieu, vous éclaboussent sans s'y noyer, d'un spectacle perpetuel en miroir, par une économie circulaire de l'image. Les bouches ni-oui ni-non, de Morgane pourraient demander d'y étancher leurs soifs—de quoi, de qui, comment? à vous d'en juger. Raphaël Matieu éclot dans son coin. Tkt.
      Elias focus à l'endroit de l'intime du chez-soi avec une sélection de ses propres revues de foot, conservées précieusement et choisies avec soin; ces objets considérés pauvres insistent sur la nature éphémère de tout ce qui fâne, à l'instar des livres comme des œuvres. Ces revues évoquent le bordel juste nécessaire pour nous mettre à l'aise, ainsi que les considérations attentives aux heureux hasards techniques, brillants sur le papier, pixels abstraits de symboles précieux pour les connaisseur·euses, de surcroît des qualités picturales de nouveaux cadrages inédits.
      Par une curieuse coïncidence aussi, la proposition de Laurie y fait autrement écho, par sa collaboration avec Ibrahima, 11 ans, rencontré dans une Maison de Jeunes du quartier de Curregham à Anderlecht qu'elle souhaitait à son tour inviter à confectionner, ensemble, un emblème pour le représenter. D'abord dessiné à la main par Ibrahima, puis mis en lumière par Laurie, avec tout le soin apporté au travail minutieux de composition, de couleurs, en sérigraphie.
Toutes les propositions de cet évènement sont leurs réponses spontanées à l'invitation initiale, leurs interprétations de l'opening. À cette occasion, les artistes invité·es fixent plus durablement ces joies dans l'exercice de leurs propositions, en réponse à la thématique qu'impose l'avènement de ce cycle, comme un prequel ou un générique de film, de ce qui est à venir. Là où s'accomplit le voeu de se réaliser quelque part; et le faire, c'est produire l'effet de le vouloir pour touxtes, non dans une formule abstraite, mais par une action concrète.


a§s


Corey Bartle-Sanderson, Container (Rainbow), pulped newspaper & digital print on newspaper, 2023
/and/or/ Untitled (La tour), ashtrays stacked to the same ratio as a king cigarette, apple seeds & dust collected from spasss, 2024

Naomi Gilon, Sans titre, céramique en grès émaillée avec François Patoue, cuisson 1230°C, 2024

Laurie Giraud en collaboration avec Ibrahima, ibra sow snx, sérigra-phie trois couleurs sur papier, 2024

Tommy Lecot, Brut, contreplaqué peuplier, mdf mélaminé, eau de Cologne vaporisateur, rondelles, vis, 117 × 49 × 15 cm, 2024

Morgane Le Ferec, Invitations, dessins en diptyque au feutre sur papier Munken Lynx, 18 ×24 cm, 2024

Raphaël Matieu, (+), collage, 2024

Matthieu Michaut, carwash, 23 × 21,5 × 12 cm, boîte métallique, cartes postales, aimants, 2024

François Patoue,
Wild Flowers
I can pick in your tears
Gesso coloré, acrylique et aquarelle sur toile de coton duck, châssis aluminium, 140 × 190 cm, 2024

Elias Sanhaji, Italie 1-1 France (tàb 5-3), dimensions variables, 2024

Raphaëlle Serres, noreply@ & enter—shift—esc—space, Vases, dimensions variables, papiers adhésifs et toile de reliure imprimée, contenant en verre, 2024

      Remerciements
Je tiens tout particulièrement à remercier Éléonore, Renaud et François pour leurs multiples aides, ainsi que leur soutien inconditionnel; et toustes les artistes qui m’ont émerveillée par leurs propositions, leur soutien et de leur confiance, j’en suis véritablement honorée. Merci.

Tout niquer seul·e j'en ai jamais rêvé.